13 MAI 2024
C'est une vraie fourmillière ce matin à bord de Jade.
Une équipe ravive la belle couleur verte de la coque à grand renfort d'huile de coude, de machines à poncer, de chiffons. Un vrai miroir reflétant les belles lumières de la Colombie Britannique.
Une autre équipe, dont je fais partie avec Alain Caradec arrivé tout droit de son Sud américain, s'active à tout remettre en ordre, prévoir l'imprévisible, vernir les mains courantes, rendre sa blondeur au pont en teck.
Nous sommes à Sidney, Île de Vancouver, tout près de Victoria, Capitale de la Province.
Ici les marinas sont légions et les places chères. Un nombre de bateaux impressionnant. Beaucoup d'américains venus là, profitant du change favorable, pour bichonner leur navire avant la belle saison.
Il fait encore bien frais.
Avec Alain tous les soirs nous partons à vélo faire quelques kilomètres sous pretexte de visiter le supermarché et le bottle shop.
Oui, nous sommes le 13 mai ou plutôt le 12 ici, c'est à Nouméa qu'on est le 13.
Mon fils ainé, Benjamin, inaugure avec ses associés le nouveau cabinet de radiologie flambant neuf regroupant les autres cabinets privés, à l'exception du sien qui se trouve en banlieue et qu'il a ouvert une dizaine d'années plus tôt en s'endettant sérieusement.
Et tout à coup c'est la déflagration : venus d'on ne sait où, sûrement des squats qui n'en finissent pas de s'incruster dans la périphérie, des bandes armées de cocktails molotovs, d'armes de guerre, une dizaine de milliers, déferlent sur la ville, mettant le feu de manière concertée et programmée de longue date, à tout ce que Nouméa compte de magasins, usines, maisons coloniales des vieux quartiers, supermarchés, centres de dyalise, dispensaires et le cabinet de radiologie de Benjamin: de sa vie professionnelle il ne restera qu'un tas de cendres que d'énormes machines finissent aujourd'hui d'évacuer vers les immenses décharges improvisées pour l'occasion. Ce qui fait la richesse et la prospérité du Pays s'y retrouve en tas de férailles calcinées.
Un désastre absolu que nous suivons depuis le bord en direct sur Whatsapp.
C'est tellement difficile de réaliser ce qui se passe à quelque 12000 km quand, en haussant à peine le regard, la beauté du Canada vous saute littéralement à la figure. Sous un soleil radieux les belles demeures arborant fièrement leur drapeau à feuille d'érable, dominent notre marina. Il y a quelque chose de totalement iréel et surréaliste dans cette séquence qui devait durer plusieurs mois durant lesquels, tous les jours, j'appelais ma femme, restée sur place à Nouméa, pour avoir des nouvelles.
La surprise a été totale, les forces de l'ordre totalement débordées n'ont rien pu faire contre des hordes sauvages, cagoulées, carburant au canabis et à l'alcool fort. Un déferlement, un vrai tsunami de haine raciste et xénophobe.
Les troupes envoyées en renfort sont arrivées trop tard mais ont calmé le jeu assez rapidement. L'armée a déblayé des milliers de tonnes de matériaux divers placés sur les routes pour empêcher tout accés au centre de Nouméa et malheureusement aussi au bel hôpital bientôt assiégé et inaccessible.
Les habitants s'organisent pour défendre leurs biens, leur maison, leur propre vie.
Ils dressent des barricades qu'ils occupent 24/24 et empêchent les émeutiers d'approcher. Les forces de l'ordre leur en ont d'ailleurs discrètement rendu hommage tant elles étaient, au début, dépassées par le manque d'anticipation des autorités.
Un sentiment d'impuissance m'envahit.
Que faire ? Toutes les communications sont coupées, plus d'avions avant longtemps.
Que faire? Des amis ont prévu de me rejoindre d'un peu partout dans le monde, ils ont déjà leurs billets d'avion, certains viendront d'ailleurs de Nouvelle Calédonie une fois les émeutes réprimées et un semblant de retour à la normale.
Cette croisière 2024 aura un goût amer tout le long et pourtant comment ne pas rêver encore et encore devant tant de beautés offertes à chaque instant même si le temps en Alaska n'est pas franchement idéal.
Et voilà que mes souvenirs lointains, enfouis dans la mémoire, me rattrapent soudain en rêvant de ces grands espaces.
POURQUOI LA MER ?
Ceux qui ne naviguent pas au large, ou ne connaissent rien à la navigation, ne peuvent imaginer le bonheur que l'on ressent d'être en mer ou plus souvent d'ailleurs en escale, au mouillage, seuls au monde entourés de paysages à couper le souffle, modestes humains en visite chez les animaux du coin qui ne font guère attention à notre présence.
Souvent on me demande ce qu'on peut bien faire en Mer, et aussi pourquoi partir comme ça loin, quitter la terre de vue, traverser des oceans??
Je réponds invariablement que pour moi un bateau c'est d'abord un moyen de voyager, le moyen de locomotion, le plus ancien, et qui a permis aux peuples de la Terre de se rencontrer, aux grands explorateurs de faire leurs extraordinaires découvertes.
Mon bateau c'est ma maison, une maison qui peut s'installer n'importe où: j'ai ainsi habité Auckland et Sydney, Papeete et Bora Bora, Osaka et Yokohama, New York, Boston, San Francisco, Cape Town et Buenos Aires, Rio de Janeiro et j'en passe. J'y ai vécu, mais pas à l'hôtel, non, le soir je rentre chez moi, je mange chez moi et je dors chez moi. Mes livres sont rangés dans ma bibliothèque et j'écoute ma musique. Pour y arriver je n'ai pas emprunté de routes, pas de bas-côtés, pas de lignes jaunes continues ou discontinues. Très peu de trafic et puis cette liberté de dire : je tourne à droite ou à gauche? Je vais à Rio ou à Salvador?
Souvent, quand nous nous y plaisons, nous restons longtemps, parfois très longtemps comme à Cape Town ou Ushuaïa, à Nelson ou Seattle, Osaka. Nous nous y faisons des amis, et finissons par faire un peu partie du coin, apprenons les histoires locales, les endroits discrets qu'un touriste de passage ne pourra jamais découvrir.
Cette passion pour le voyage m'est venue quand j'étais adolecent en Bretagne puis à Bordeaux, ville marchande s'il en est, en contact depuis toujours avec l'autre côté de la Terre.
Petit garçon j'allais avec mon grand père, sur les 'terrasses"au dessus des entrepôts rêver devant la file continue des cargos du Pont de Pierre jusqu'à Bacalan. Les grues arachnéennes n'arrêtaient jamais leur chorégraphie. Les trains à vapeur chargés de barriques.
Dommage, aujourd'hui, plus un seul cargo dans le Port de la Lune et les grues ont été détruites alors qu'à Buenos Aires, par exemple, un architecte intelligent les a préservées en les peignant de couleurs vives.
Au XVIII ème siècle Joseph Vernet peignait le Port de Bordeaux, répondant aux instructions de Louis XV: les navires à quai ou au mouillage y sont inombrables.
Mon grand père me disait souvent que son propre frère avait passé le Cap Horn à bord d'un de ces merveilleux clippers de Bordeaux. Il était persuadé que ma passion venait de lui. Après tout pourquoi pas?
Slocum, Moitessier, Tabarly, Chichester, les Damien... me faisaient rêver. Mais aussi les lectures de London, Jules Vernes, Stevenson....
Je naviguais comme équipier sur le Nividic, un ketch classique du golfe du Morbihan. Nous contournions l'Espagne, passions Gibraltar pour entrer en Méditerrannée.
Plus tard à Lorient, médecin adjoint de la base sous-marine, pour une somme dérisoire versée au club nautique j'empruntais un Dragon ou un Requin. J'amenais mes amis à Groix passer la journée.
La Marine d'ailleurs m'avait choisi pour être équipier à bord de l'Armagnac pour défendre les couleurs de la Royale à la Semaine de La Rochelle.
En plein brouillard notre navigateur, pourtant jeune enseigne de vaisseau, s'est complètement planté et il s'en est fallu d'un rien pour que le comité de course n'envoie les secours. Nous sommes rentrés dans le Vieux Port bons derniers et plutôt honteux.
Le port de Bordeaux du temps de sa splendeur peint par Joseph Vernet. Les quais et les grues de mon enfance. Et puis tous ces grands marins dont la vie m'a tant isnspiré. J'étais à l'arrivée des Damien à La Rochelle pour le premier Grand Pavois, je leur ai parlé, nous avions le même âge. J'étais impressionné et anvieux de leur vie de liberté.
LE GRAND TOURNANT
Et puis le vrai déclic s'est produit en 1972.
Marc Linsky, arrivé onzième de la Transat en solitaire (avec un poignet cassé par un retour de manivelle de son winch de grand voile Goïot) cherchait des équipiers pour ramener "Isles du Frioul" à Marseille.
Pourquoi m'a-t-il choisi??? Certainement un coup de pouce de la Providence, allez savoir.
Ce fut le grand tournant de ma vie nautique.
J'ai pris pour la première fois un vol intercontinental, un Paris-New York. En Boeing 707.
Je débarque dans une famille haïtienne, habitant Harlem, pour passer deux nuits. J'y ai revécu West Side Story.
La ville noire : afroaméricains, jamaïcains, antillais...la musique, les terrains de basket grillagés, les sirènes des ambulances, les pompiers et leurs klaxons assourdissants. Et puis ces bagnoles tout en longueur, pleines de chromes et de leur 8 cylindres au son inimitable ...
J'ai pris un Greyound pour Newport, Rhode Island, où se trouvaient tous les bateaux de la transat en attente d'un retour vers l'Europe. Là j'ai littéralement plongé au milieu de mes idoles en chair et en os: les Colas, Terlain, Vidal, Glicksman, Piazzini etc...Tous devenus soudain des copains quand peu avant c'étaient les vedettes des magazines de voiles et des quotidiens nationaux. Je pense en particulier à Alain Colas élève de Tabarly qui a voulu dépasser son maître. Cette année là il avait gagné, mais c'était à bord de Pen Duik IV le bateau d'Eric rebaptisé Manureva.
Et puis dans la baie de Newport je découvre les mythiques voiliers de l'America's Cup . A l'époque les américains l'avaient toujours gagnée jusqu'au jour où les Australiens avec leur quille à ailettes... mais c'est une autre histoire.
A peine débordé la tour de Brenton Reef, nous avons fait route vers le Nord Est, et perdu la terre de vue pour une bonne quinzaine de jours.
Ma vraie première expérience de la très haute mer.
A l'époque la météo c'était d'abord le baromètre sur lequel on tapotait du bout de l'index pour voir la tendance, et puis la direction et la force du vent, les nuages d'altitude ( ah! maudits cirrus!!), les couleurs du couchant. Et la Loi de Buys-Ballot...
J'étais logé dans le pic avant au milieu des voiles et j'encaissais tous les chocs de l'étrave, parfois avec angoisse. Nous étions 6 à bord. Seul le skipper faisait le point. Mais bientôt , après avoir étudié longuement les ouvrages de Maurice Oliveau et Olivier Stern-Veyrin (un médecin navigateur, je revois encore avec nostalgie les "petits chiens" et les "petits chats": mes lecteurs très âgés me comprendront) je me suis lancé dans la navigation astro. Marc ne faisait que des méridiennes: le point à midi local au sextant, d'une très grande simplicité. Mais que faire quand, à midi local, le ciel est obscurci, pas de soleil, des nuages, la pluie... Pas de point et on navigue à l'estime.
Marc m'avait prédit l'arrivée imminente des montres à quartz. Les notres étaient mécaniques et nous devions tous les jours tendre l'oreille pour accrocher les tops horaires donnés par la station WWV d'Hawaï et les remettre à l'heure exacte à la seconde près.
Manier le sextant est un exercice parfois périlleux sur un pont de voilier incliné sous le vent par la gîte et secoué en tous sens. Attraper le soleil et l'amener, par un jeu de miroirs, à tangenter l'horizon peut relever de l'exploit. On prend alors le top horaire et on plonge en bas dans les éphémérides nautiques et les HO249 de l'US Navy.
J'ai ainsi appris à faire le point à n'importe quelle heure du jour, mais aussi au coucher et au lever du soleil quand les étoiles sont visibles en même temps que l'horizon durant quelques précieuses minutes.
C'est magique le sextant : un instrument assez simple en réalité, une montre à l'heure, deux bouquins et vous vous positionnez partout sur notre Terre. Vraiment magique!!
Mais il y a aussi l'angoisse, l'angoisse de découvrir si nos calculs sont bons, si notre sextant est bien réglé, et cependant le miracle toujours s'accomplit: devant l'étrave, elle est là. L'ïle tant espérée juste devant exactement où on la cherche des yeux, juché dans le premier étage de barre de flêches. TERRE!
Au départ de Newport c'est une microscopique crotte de mouche sur le grand routier de l'Atlantique Nord, perdue au milieu de l'immensité de l'Océan. Et puis la voilà bleu foncé, presque noire, au petit matin. Flores et Corvo. Les Açores.
Un souvenir précis (honte à moi!) me revient en mémoire: j'ignorais tout de cet archipel, comment sont les gens, quelle langue parlent ils, de quelle couleur sont-ils?? Mais oui, c'est vrai: quel ignorant j'étais!
Arrivés à Horta, île de Faial, j'ai vite compris que nous étions bien en Europe et qu'ici on parle portuguais. L'immense Pico nous domine de loin, la quintessence même du volcan.
Nous amarrons Isles du Frioul le long de l'immense môle qui ferme la baie vers l'Est et que les marins de passage décorent traditionnellement de magnifiques motifs évoquant leur passage depuis l'Europe ou l'Amérique et du logo de leur navire.
Nous nous précipitons chez Peter Azevedo, au Café Sport de réputation mondiale, du moins dans le milieu de la grande plaisance. Peter accueille les marins de passage et leur rend de menus services. Sa table est grande ouverte et généreuse.
Je découvre la pêche au cachalot que des gaillards courageux harponnent à la main depuis leur frêles baleinières à rames. C'est une incroyable entreprise, extrêmement dangereuse et j'en ai vu très peu revenir au port avec un cachalot. Bien sûr aujourd'hui on serait choqué (mon Dieu quelle horreur!) mais à l'époque nous étions plutôt admiratifs devant leur audace.
Chez Peter je fais la connaissance d'une joyeuse bande d'étudiants venus de Lisbonne en vacances. Ensemble nous visitons l'île et découvrons à sa pointe ouest un tout nouveau volcan dont l'éruption récente a fait d'importants dégâts. A cette occasion Faial s'est encore un peu agrandie vers le large.
Mes amis m'apprennent que la révolution couve au Portugal et ils avaient raison: en 1974 Salazar sera renversé par la "révolution des oeillets".
Je garde de ce séjour un souvenir vraiment inoubliable: ma première Île inconnue et nous reviendrons à plusieurs reprises aux Açores à commencer pour notre voyage de noces, Dominique et moi.
Horta (Faïal) et sa jetée décorée par les marins de passage. Dominique en 74 (voyage de noces aux Açores).
XANGO
A peine rentré à Bordeaux ma décision était prise, il me fallait un voilier pour partir loin, découvrir ce Monde dont j'avais eu à peine un petit aperçu.
Bien entendu nous n'avions pas un sou. J'étais interne des hopitaux, un salaire plutôt maigre. Depuis le début de mes études je m'étais lié d'une solide amitié avec un garçon charmant, Jean Marie C. et nous partagions les mêmes goûts pour l'aventure et le voyage. Il avait la fantaisie des artistes, un peu dilettante, et moi au contraire un peu trop rigoureux peut-être. On se complétait bien et rapidement notre choix s'est porté sur un ROC 129, ketch de 13m en "triple epoxy" construit à Conflans Ste Honorine. Nous ne pouvions nous payer q'une coque nue, non aménagée et dans notre rêve fou nous avions imaginé en réaliser nous mêmes les aménagements intérieurs.
Arrivé par camion près du bassin à flot, une vieille grue du Port de Bordeaux mit Xango à l'eau et nous sablâmes le champagne sous un froid polaire.
Pourquoi Xango?
Jean Marie et moi écoutions sans arrêt de la musique brésilienne et le Canto de Xango revenait en boucle. Une obsédante chanson de Vinicius de Moraes et Baden Powell inspirée des vieilles traditions africaines.
Nos amis de Nividic nous avaient indiqué un petit chantier naval à côté de Bourg sur Gironde: Bayon, le chantier Descorps où nous devions passer quelques uns des plus beaux moments de notre vie.
Notre hôte était la gentillesse même, il respirait la bonté et aussi la compétence des vieux, des vrais charpentiers de marine. Il nous considérait un peu comme ses enfants et n'a cessé de nous aider durant les travaux qui durèrent 4 années.
Nous avons vite compris qu'il valait mieux s'adresser à des professionnels et de notre côté gagner notre croûte dans notre domaine, la radiologie. Les remplacements payaient bien et en quelques années Xango est devenu un splendide bateau prêt à affronter la haute Mer.
Nous passions tous nos week-ends libres à Bayon, souvent accompagnés de copains. Camping et BBQ. Longues soirées au coin du feu à rêver de Grand Large, d'aventures, Rio, Tahiti, Le Cap, Tacoma et Panama, Zanzibar sur les traces de de Monfreid, bordelais comme nous, des noms magiques qui nous transportent.
A l'automne Monsieur Descorps nous offrait son vin nouveau pétillant qu'on dégustait avec des noix fraîches. Parfois il mettait son carrelet à l'eau et ramenait des pibales grouillantes qu'on faisait frire au feu de bois.
PREMIERE TRAVERSEE DE XANGO
Jacques, mon vieux complice calédonien (il aura par la suite systématiquement participé à la croisière inaugurale des 4 bateaux qui ont suivi) vint nous rejoindre à Bordeaux et nos premiers bords jusqu'à La Rochelle nous ont vite appris la modestie: les défauts de réglages, et quelques approximations dans le gréement se sont vite déclarés et l'escale dans le Vieux Port nous a permis d'en corriger quelques unes. Mais pas toutes, malheureusement!
On était en plein hiver et le Golfe de Gascogne à la juste hauteur de sa réputation: très gros temps et 3 équipiers sur 5 cloués dans leur banette.
Jacques et moi, en forme, prisonniers du carré et du réchaud où je me faisais une mixture riche à base de lait Nestlé et d'Ovomaltine. Jacques avait décidé de faire régime (il avait quelques kilos en trop). Il ingurgitait à même la boîte des saucisses de Strasbourg froides!! Efficacité garantie !
Escale à La Corogne, puis à Peniche, en panne de moteur. Jacques nous fait une maneuvre bluffante sous génois et artimon et nous mouillons pile à l'endroit idéal.
C'est encore la "révolution des oeillets" au Portugal.
On vient nous apporter des sardines fraîches et récupérer la pompe de refroidissement du Renault Couach en panne.
Réparée rapidement au chantier naval, encore sous son régime de "cogestion" révolutionnaire, on va pour payer: personne pour établir une facture et un prix ... plus de comptable dans ce système cogéré, c'est plutôt le troc qui fonctionne, l'argent du capital est mal vu, on partage tout. Qu'avons nous offert en échange ? je ne me souviens plus.
Alors nous repartons de Peniche heureux car la caisse du bord n'a pas du tout souffert!
Et vive la "révolution des oeillets" !
Le sister ship de Xango avait eu les honneurs de Neptune Nautisme. Ce voilier était en avance sur son temps puisqu'il possédait une timonerie intérieure depuis laquelle nous pouvions barrer le bateau avec une vue panoramique vers l'avant.
A peine sortis du Port de Peniche nous sommes poussés vers les îles Canaries par un fort vent du Nord que certains appellent l"alizé portugais".
Nous laissons Madère sur tribord et nous approchons de la Grande Canaries et soudain nous captons à la radio une annonce en espagnol qui nous glace les sangs: sur l'aéroport de Tenerife deux Boeing 747 entrent en collision: 583 morts.
C'est aujourd'hui encore la plus grande catastrophe aérienne jamais enregistrée. Une horreur et nous entrons dans le port de Las Palmas en plein drame afin de remplir nos formalités d'immigration et de douane.
Mais nous ne nous attardons pas à Las Palmas, trop grande et bruyante, car on nous avait indiqué un petit port vers le Sud-est : Puerto Rico.
J'en conserve quelques souvenirs amusants...
Déjà il faut imaginer ce port dans les années 70: très peu fréquenté par les voiliers car à l'époque c'était encore un exploit de traverser l'Océan. La navigation astro en rebutait beaucoup.
Une petite anse ravissante au coeur d'une nature encore sauvage, une terre aride, et pentue. Une petite ville espagnole charmante.
On mouille et on porte une amarre à terre comme les autres.
Notre voisin, le Drift, est splendide: un voilier classique, une beauté esthétique à pont en teck et de beaux élancements. Peut-être un plan Fife ou Stephens?
A bord un couple et leur toute petite fille. Profession : top models !!
Elle faisait la couverture de Lui et la pub pour Aubade. Lui jouait l'aviateur dans Emmanelle II....Nos regards se croisaient, Dominique louchait sur Frederic et Jacques et moi sur la pub Aubade!! Tous deux adorables et, loin de la Jet Set, nous sommes devenus amis, sans chichis. Je me souviens être allé voler, avec Frederic, des tomates dans un jardin pour la salade du soir et chasser au fusil harpon dans les calanques quelques "poissons ruisselants" comme aurait dit Brel.
En face de nous, un Joshua, bien dans son jus, construction amateur: Claude, son jeune propriétaire chevelu et barbu avait décidé de balancer par dessus bord le moteur diesel inutile ("ça fera un bon corps-mort"), c'est Moitessier qui l'a dit, parole d'évangile, alors... Son régulateur d'allure, bricolé, avait perdu son aérien en fer blanc qu'on distinguait parfaitement, à travers l' eau cristalline, étincelant sur le fond noir du sable volcanique. Jacques a plongé et il l'a refixé sur son support, peut-être avec des pinces à linge, qui sait? On ne doutait vraiment de rien.
Les mâts de son Joshua étaient, comme ceux de son maître Moitessier, en poteaux télégraphiques, en "bois d'arbre" comme on dit.
Un mot un peu mythique me taraudait: "alizé", "Route des Alizés". J'avais connu l'alizé en nouvelle Calédonie, mais c'était la première fois que j'allais traverser un océan en empruntant la "route des Alizés". D'abord c'est où l'Alizé ? J'en parle à Claude qui s'apprête à partir en solitaire et nous fait baver d'envie.
"C'est où les alizés" et il nous répond: " tu vois la grande jetée, là, au bout du port, eh bien tu la dépasses, tu prends la première à droite : c'est là les alizés.
Il ne croyait pas si bien dire. Quelques jours après Jacques et moi le remorquons avec notre annexe (forcément, à quoi bon un moteur??), montons à bord pour l'aider à hisser grand voile, artimon et génois et le voilà pris par... l'alizé... Nous voyons la terre défiler rapidement et sautons dans l'annexe avant qu'il ne soit trop tard pour ralier Puerto Rico.
Nous voyons le ketch, toutes voiles dehors, s'éloigner vers le soleil couchant : good luck Claude, fair winds and following seas.
Des mois plus tard nous aurons de ses nouvelles: très vite l'alizé a forci et dans un vacarme épouvantable son artimon est brusquement tombé, lui fracassant l'avant-bras. Un galère avant de pouvoir se libérer et tant bien que mal poursuivre sa route vers les Indes de Colomb.
Il n'est jamais arrivé aux Antilles, il a pénétré au plus profond de l'Orénoque (sans doute sans s'en être vraiment aperçu) et a vécu des mois au milieu des tribus indiennes du Venezuéla. Le temps de consolider sa fracture.
Bernard Moitessier était notre gourou et son Joshua a inspiré nombre de rêveurs comme notre ami Claude à Puerto Rico!!
ET SI ON AVAIT ECOUTE BUYS BALLOT
A nous, à présent, de nous préparer matériellement et psychologiquement. A bord le couple d'amis François et Françoise, Dominique Jacques et moi.
Le dernier jour je prends la précaution d'aller récupérer à l'aéroport de Las Palmas la carte météo. Pas de fax, c'est un radio-opérateur morse qui trace sur une grande feuille de papier les isobares, en bleu pour les anticyclones et en rouge pour les dépressions, les fronts, les talwegs etc... Je roule bien serrée la carte et regagne mon bord "j'ai la météo les gars, on peut y aller!"
Et comme Claude on prend la première à droite et... vent dans le nez. Sud Ouest. Oh, pas bien fort, 5 noeuds, mais dans le nez. Je regarde les Pilots Charts, à ce moment de l'année les prédictions pour nous sont de 5% de vent de SW donc, demain: alizé c'est sûr.
On est au près toute la nuit, à peine gîtés mais au petit matin le vent de SW monte à 10 puis 15 noeuds.
Nous naviguons tribord amures en direction de l'Afrique, le Cap Blanc exactement, au sud du Sahara Occidental.
Je me mets face au vent et selon Buys Ballot: dans l'hémisphère Nord la dépression est à droite et l'anticyclone à gauche. Donc on continue à gauche vers le SE, vers l'Afrique.
C'est alors que je sors la fameuse carte bien rangée depuis Las Palmas ("j'ai la météo donc je suis tranquille") : la dépression, bien creuse, est là, en rouge à droite et notre anticyclone en bleu à notre gauche. Quel idiot, il aurait juste suffit de patienter quelques jours de plus.
Je décide de continuer, bien que mon équipage commence à se rebeller: " Jojo, les Antilles c'est à droite quand même, là on y va pas du tout".
Et moi de m'appuyer sur la Loi de Buys Ballot et de persister dans mon cap vers l'Afrique. 24h plus tard la situation étant la même mon équipage se rebelle encore plus et comme dans toute démocratie, le peuple est souverain et je m'incline devant la majorité écrasante et décide de virer de bord.
Alors là, certes le cap est meilleur, vers La Martinique, mais le vent d'ouest redouble de violence et nous voilà avec 3 ris dans la Grand Voile, le tourmentin et un tout petit bout d'artimon...Et les nausées qui reprennent en bas, l'eau qui s'infiltre dans les banettes (le joint pont-coque fuit ), bref l'inconfort d'un voilier au près par gros temps.
Décision unanime: on rentre au port.
Nous voilà de retour aux Canaries et la croisière d'un seul coup prend une toute autre tournure: nos amis décident de rentrer chez eux et nous, nous restons à bord pour des vacances... aux Canaries.
Mon frère arrivait alors de Bordeaux avec notre fils Benjamin, âgé d'un an à peine, pour une croisière entre les îles les plus sauvages, vers l'Ouest : Hierro, la Gomera d'où Colomb était parti pour les Indes...Le bonheur de naviguer en famille et de voir avec quelle facilité un petit garçon d'un an peut s'amariner. Première aventure d'une longue série.
Je retire de cette première expérience de skipper beaucoup d'enseignements qui me guideront pour la suite et encore aujourd'hui.
Inutile de préciser que c'est quand même la Mer qui commande, elle est toujours plus forte!! Savoir faire le gros dos!! L'humilité a impérativement sa place à bord.
Et puis, la préparation du bateau. Ne rien laisser au hasard.
Notre Xango c'était, à le regarder, un rêve de bateau: élégant, très bien aménagé, presqu'aussi bien que par un chantier naval connu comme Nautic Saintonge. Je pense évidemment au Rorqual, ou au NS 44 qui étaient les grands yachts de l'époque, ils nous faisaient baver d'envie, mais c'était tellement au dessus de nos moyens. Le Roc 129, notre bateau, avait la même carène que le Rorqual et le même architecte.
On en arrivait à penser que, tout compte fait, c'était pratiquement le même bateau....
Hé bien, non, pas du tout!!!
Par exemple, nous n'avions pas remarqué que le joint pont-coque de Xango laissait un mince espace libre, ouvert, recouvert par un liston qui masquait ce défaut majeur: dès que le bateau gîtait sur tribord l'eau s'infiltrait et inondait la banette supérieure de la cabine .
Cette banette avait été si bien faite qu'elle était elle-même parfaitement étanche, si bien que l'eau qui y pénétrait ne pouvait s'en échapper. Dans le Golfe de Gascogne, au cours des coups de vent, mes amis logés dans cette cabine écopaient un grand seau d'eau de mer au petit matin: dix litres environ!!
Une bonne leçon qui a fait de l'escale aux Canaries une longue escale technique avant de repartir enfin prêts pour la route des Alizés qui devait nous amener sans encombres, par le Canal de Panama, jusqu'à Nouméa.
La Loi de Buys Ballot et une carte météo de la région avec un régime anticyclonique normal.Xango (53 ans) démâté, mais au mouillage en plein coeur de Nouméa, Baie de l'Orphelinat.
ET L'ALASKA LA DEDANS ?
Avec tous ces souvenirs qui reviennent à la surface j'en allais presque oublier de vous parler de la croisière 2024 en Alaska.
Comme tous les ans depuis maintenant 7 ans c'est une tradition et comme tous les ans l'émerveillement est toujours présent.
Au dessus de tout bien sûr la beauté des paysages, la découverte de nouveaux mouillages de plus en plus secrets, explorés au hasard des recherches ou des rencontres.
Les rencontres justement, une certitude absolue car dans ces coins perdus vivent des gens étonnants venus d'un peu partout. Les américains adorent voyager dans leur pays immense, naviguent d'un Etat à un autre, de la côte Est à la côte Nord Ouest si sauvage. De Boston à Seattle, de New York à Los Angeles etc...
Et parfois s'installent très loin de leur région d'origine.
Cette année, une fois les travaux achevés à Sidney, en British Columbia, nous embarquons deux amies, l'une est installée à Sitka où elle exerce le métier de "pêcheur commercial" et l'autre Suisse Allemande, mariée à un américain, habite la moitié de l'année à Hyder, un bled perdu au bout d'un gigantesque fjord à la frontière canadienne.
Nancy est un marin accompli et Brigitte navigue avec son mari sur un joli voilier basé à Hyder.
Elle nous arrive de Suisse avec pas moins d'un dizaine de kilos de fromages dont de la raclette qui fera de nombreux repas du soir durant ce voyage qui doit nous emmener à Sitka. Quelque chose comme 1200 milles à parcourir dans un labyrinthe invraisemblable de fjords.
Excellent équipage pour remonter toute la belle Colombie Britannique jusqu'au premier port d'entrée en Alaska , Ketchikan, où je dois renouveler ma cruising licence pour 2024/2025 après un séjour de plus de 15 jours au Canada.
La remontée est émaillée de nombreux mouillages abrités que je commence à connaître, encore que chaque année j'en découvre un ou deux nouveaux.
Nous n'empruntons pas d'ailleurs le "crowdy Inside Passage" mais prenons des chemins de traverse où nous ne croisons jamais personne. Nous sommes seuls au mouillage sauf exception.
"NANCY PEINT"
Dès le début, profitant du beau temps du "Sud", Nancy attaque un boulot commencé l'an dernier par Claude, absent cette année, et qui consiste à traiter les encadrements des portes étanches de la timonerie et du carré. L'aluminium s'est légèrement corrodé et la peinture cloque par endroit.
Il faut commencer par tout démonter, décaper pour restaurer l'état brut du métal, recouvrir d'un primer spécial alu et ensuite peindre en "blanc Selene" à la brosse ou au rouleau laqueur pour obtenir une finition parfaite.
Nancy comme Claude y sont parvenus et les portes ont retrouvé leur aspect neuf d'origine.
Escale incontournable: Fury Cove et ses bois flottés au vent des îlots déposés là par les tempêtes hivernales.
SMITHERS COVE
J'aime bien faire escale à Smithers Cove, en dehors des sentiers battus, quelque part à l'Ouest de l'Inside Passage vers le large. C'est une minuscule baie dont l'ouverture très étroite est invisible du large.
J'y étais entré il y a plusieurs années, juste pour voir un peu à quoi elle ressemblait: un havre de paix dans un cadre ravissant. Problème: c'est profond et il n'y a pas l'évitage pour Jade et ses 22 mètres (+ 80 m de chaîne pour respecter la règle de 3 fois la hauteur d'eau ). La solution est simple et quelques années de Patagonie font le reste: trouver l'arbre idéalement placé, suffisamment solide et accessible quelle que soit la marée. Il y en a un seul, un beau red cedar bien ancré dans le granit du rivage .
On sort les 100 m de bout de 14 en spectra: c'est léger, ça flotte et ça a exactement la resistance d'un cable en acier du même diamètre.
Le jeu consiste à dérouler le bout à la vitesse de l'annexe qui part vers la rive tout en maintenant l'arrière de Jade en direction de notre arbre.
Il faut dire que sur ce bateau il y a une timonerie à l'arrière qui permet de se diriger très précisément en utilisant un peu la propulsion en arrière (attention à ne pas aspirer le bout...) et les propulseurs latéraux. Une maneuvre simple et voilà Jade faisant face à la sortie, son arrière à quelques mètres de la côte sans aucun risque de bouger pour la nuit
Smithers Cove un joyeau de mouillage pour un seul bateau: Jade. Nous mouillons à la patagonienne avec un bout à terre par manque d'évitage.
On arrive à Ketchikan: les remorqueurs et les barges assurent la totalité du commerce entre l'Alaska et Seattle.
Ketchikan vu de puis le large: venir de préférence après la haute saison estivale!! Ou bien le soir vers 18h au Sourdough bar quand les Cruise Ships ont largué leurs amarres!!
MEYERS CHUCK
A quelques heures de Ketchikan nous faisons un stop incontournable à Meyers Chuck.
A l'aller comme au retour.
C'est un peu comme si on quittait la civilisation en montant et comme si on soufflait un peu au retour avant de la retrouver, toutes proportions gardées évidemment.
Meyers Chuck c'est un peu un délire de robinsons fuyant le monde normal: ici on se débrouille tout seul pour tout. Une petite communauté s'installe, construit de jolies maisons de bois (ça ne manque pas), il y a même une sorte de scierie qui débite pour l'hiver d'énormes troncs arrivés là naturellement, poussés par les vents et échoués sur le rivage.
J'avais souvent photographié une de ces maisons avec son ponton pour le navire de pêche et je la trouvais très esthétique avec ses grandes fenêtres laissant deviner de véritables serres verdoyantes et fleuries. A droite un stock de bûches pour l'hiver rangées dans un ordre impeccable, presque artistique.
Nancy connaît le propriétaire, Bob, un pêcheur qui fait le saumon à la traîne du côté de Sitka.
Son très beau bateau, tout juste repaint d'un vert profont, est à quai.
Sa femme Lee nous accueille avec un verre de vin de citrouille. Incroyablement délicieux.
Sa petite fille d'une vingtaine d'année, très jolie, est son matelot. C'est elle qui a repeint le bateau pendant l'hiver à Ketchikan.
Ils sont très peu, comme eux, à rester là l'hiver.
Meyers Chuck. Bob et son bateau. La maison et sa réserve de bois pour l'hiver. La scierie n'utilise que du bois flotté.
PETERSBURG ET LECONTE GLACIER
Encore une escale incontournable sur la route: ravissante Petersburg, la norvégienne, d'où les Cruise Ships sont bannis, et son fameux Glacier LeConte (prononcer "liconti") où il n'est pas facile d'accéder tant il est actif.
C'est le glacier le plus sud d'Alaska et jusqu'à une époque très récente, son front restait à la même position. Nous constatons aujourd'hui un net recul.
Il est toutefois très actif et d'énormes blocs de glace tombent constamment dans l'eau profonde du fjord soulevant un petit tsunami, vite amorti par la masse permanente des glaces flottantes.
VERS BARANOF ET SITKA
Le but de cette remontée vers le Nord c'est Sitka et plus globalement l'Île de Baranof qui, il me semble, représente la quintessence de ce qu'on peut espérer voir en Alaska, du moins par la Mer.
Nous atterrissons sur la côte Est le long du gigantesque Chatham Strait et visitons plusieurs mouillages, tous plus beaux les uns que les autres, et très variés dans leurs paysages.
Dans Gut Bay, que je n'avais connue que sous une pluie battante et nuages bas, cette année c'est le beau temps et effectivement le coin mérite le détour.
Pour l'Histoire, Michelle Demay y avait hiverné dans une sorte de diverticule totalement abrité de tout (sauf des avalanches m'ont confié des gens du coin) .
Cette ancienne présentatrice de télévision avait quitté les sunlights pour naviguer avec son compagnon à bord de leur voilier "Nuage".
Ils se sont laissé prendre par les glaces et ont vécu là une expérience unique .
J'ai voulu voir exactement l'endroit où ils avaient laissé filer leur ancre pour de longs mois d'hiver.
Le passage est minuscule et Jade l'emprunte à mi-marée montante (heureusement d'ailleurs). Nancy et Brigitte sont installées dans le balcon à surveiller le fond dans une eau si claire qu'il est très difficile de juger de la vraie hauteur d'eau.
Elles n'ont rien senti, mais moi dans la timonerie je surveillais le sondeur qui marquait 0.00m (plus le "pied de pilote" bien sûr) et j'ai très nettement senti quand la quille a touché un fond de sable très doux, juste une petite secousse molle, mais c'est sûr, il n'y avait pas d'eau à cet endroit et on a touché.
Passé le seuil, Jade se retrouve dans des fonds "honnêtes" et nous mouillons pour quelques heures là où Michelle l'avait fait des années avant nous.
Je fais voler le drône et le coin est vraiment un must.
Nous ressortons avec un peu plus d'eau en suivant précisément la trace du GPS avec la certitude absolue de ne plus pouvoir s'échouer.
Quelques jours plus tard nous arrivions à Sitka où Brigitte prenait un ferry pout Haines où passe la grande route qui relie l'Alaska au reste de l'Amérique.
Nancy arrivait chez elle juste à temps pour réceptionner un container rempli d'une "tiny house" en pièces détachées et prête à être montée.
Façon de parler car c'est un travail de romain même si Nancy est courageuse et entreprenante: elle en a déjà construit une première il y a quelques années.
Elle avait déjà coulé la dalle au printemps et J'assiste aux premiers montages tandis que mon nouvel équipage arrive de Seattle pour un grand tour de Baranof.
Tout le monde d'ailleurs vient rendre visite, ne serait-ce que par curiosité, à ce petit bout de bonne femme courageuse construisant sa nouvelle maison.
Scènes de la vie des ours en Alaska . On choisit les saumons femelles pour les oeufs et on fait l'école à sa progéniture.
Changement d'équipage à Sitka. Nos amis arrivent de Bordeaux. Les chiens de Keith. Takatz avec les Hauger. Quelques belles photos d'Olivier vers Sitka. Scotty Saline et son "take away" Sea Daddy.
REDOUBT BAY ET KIDNEY COVE
La tradition remonte à l'époque où Sitka était la capitale de la "Russian Alaska" : aidés par les indiens (souvent d'ailleurs venus de Kodiak et des Aléoutiennes), les russes capturaient des tonnes de fourrures de loutres qu'ils exportaient vers Moscou et la cour du Tsar.
Les indiens connaissaient Redoubt Bay à cause de sa cascade qui servait de deversoir à l'immense lac venant se vider dans le grand fjord attenant. Selon la marée sa hauteur variait et la rendait plus ou moins accessible.
Une pêcherie de saumon s'y était alors installée car les Sockeyes (Red Salmons) s'y précipitaient par centaines de milliers tous les ans lors des runs d'été.
Les Sockeyes se reproduisent obligatoirement dans un lac.
Aujourd'hui une loi de l'Alaska autorise la population "native "ou assimilée à venir avec d'énormes épuisettes à très long manche (dip nets) pour pêcher directement dans la cascade les saumons qui remontent dans le lac. Je crois que chacun peut en ramener une vingtaine par personne et par jour.
Ils sont quelques uns tous les jours à venir tout près de cette puissante cascade et c'est trsè impressionnant. Dangereux aussi. Mais très rentable. Ils appellent cela une "pêche de subsistance". Ils gardent les oeufs et fûment les filets, de la nourriture gratuite pour toute la famille durant le long hiver.
WARM SPRINGS (BARANOF)
Escale incontournable du Chatham Strait, Warm Springs tient son nom de ses sources d'eau très chaudes où l'on vient s'immerger avec délice.
C'est aussi là que notre ami Jim Brennan (qui possède un pierrier en bronze ayant sans doute appartenu à La Pérouse) a sa maison secondaire, lui qui est né à Petersburg d'un père pêcheur.
Tous les ans nous nous y faisons un stop pour refaire l'histoire de France et goûter aux charmes de la cascade, des eaux chaudes et du lac qu'on atteint au prix d'une marche facile mais bienvenue dans un pays où les sentiers sont rares et surtout exposés à des rencontres parfois dangereuses.
A Warm Springs l'eau de source est brûlante mais pas celle du lac!! La température ne rebute ni Yves ni le chien
RETOUR VERS LE SUD POUR L'HIVER
La descente vers Roche Harbor est toujours un moment particulier: c'est l'automne, les journées raccourcissent à toute allure, la British Columbia change de couleur. Au milieu du vert foncé des sapins les rouges apparaissent, il y a des érables au Canada, c'est bien connu!!
On se méfie des coups de vents du Sud qui accompagnent les dépressions de plus en plus fréquentes.
Certains passages comme le Cape Caution demandent de grandes précautions, ici le fetch est de l'ordre de 5000 milles!!! A voir le paysage de la côte et des roches éparses on a froid dans le dos: ça doit claquer dans ce coin!!
Mais comme tous les ans on trouve le refuge parfait juste avant de passer et s'il le faut, on attend sagement en faisant le gros dos.
Et traditionnellement, avant de franchir cette frontière bizarre entre le Canada et les USA au milieu de la myriade d'îles du Golfe (pour les canadiens) et de San Juan (pour les américains) nous allons passer un moment délicieux chez nos amis Don et Ghis à Salt Spring Island.
Ah, j'oubliais Tommy, leur adorable Golden, avec qui je joue comme un gamin.
Cette année le retour vers Nouméa est angoissant: dans quel état sera la Calédonie, Nouméa brûlée, les entreprises (800) détruites, l'économie par terre.
"L'Île la plus proche du paradis" ne mérite plus son nom et pourtant....
Equipage de Jade au retour. Dominique, Caroline, Pascale et Philippe, Yves, Terry et un glaçon de 5000 ans pour la "champagne soup" Le "Fireball" traditionnel à bord, se boit sec, surtout pas de glace !!